Berlinale X FrenchMania (1) : Beauvais, Ozon, Périot

 

Du 7 au 17 février, la planète cinéma se retrouve à Berlin. De la compétition officielle à la section Panorama, qui fête cette année ses 40 ans, en passant par les découvertes de Forum ou Génération, FrenchMania se penche sur les films français et francophones sélectionnés au festival de Berlin. Aujourd’hui, l’épisode 1 avec Ne croyez surtout pas que je hurle, Grâce à Dieu et Nos défaites.

“Est-ce ainsi que les hommes vivent ?”

Cette phrase d’Aragon, citée dans le texte en off du très beau journal intime de Frank Beauvais, Ne croyez surtout pas que je hurle (Forum) donne le ton de cette Berlinale côté français. Franck Beauvais donc, par le biais d’un film-montage, mais également François Ozon via son récit inspiré de faits réels Grâce à Dieu (Compétition) et Jean-Gabriel Périot, enfin, avec les lycéennes et lycéens qu’il a fait travailler pour Nos défaites (Forum) posent chacun à leur façon cette question existentielle mais rhétorique. La nécessité de (re)prendre sa vie en mains, de ne pas laisser les autres décider pour soi, d’être maître de son corps, de sa pensée et de son destin sont les thèmes qui traversent ces trois œuvres.

Après une incursion plutôt réussie dans la fiction (Lumières d’été, sorti en août 2017), le réalisateur Jean-Gabriel Périot (Une Jeunesse allemande, 2016) présente son nouveau documentaire au procédé original, Nos défaites.

C’est dans le cadre d’un travail avec une petite dizaine de lycéennes et lycéens d’Ivry-sur-Seine en mai et juin derniers que ce documentaire a pris forme. Autour d’un atelier cinéma consistant à retourner à l’identique des extraits de films et de reportages de la fin des années 60 et des années 70, le cinéaste a poussé l’exercice un peu plus loin. Jean-Gabriel Périot a profité de cette opportunité d’analyse, de reproduction et de commentaires de ces scènes documentaires ou fictionnelles (des extraits de films de Tanner, Godard, Marker ou Karmitz) pour questionner les élèves sur leur vision de ces scènes, et par extension de la politique, des syndicats, du monde du travail, de la démocratie et de la révolution. Entre maladresses et fulgurances, pleine de doutes et sans préconçus, libérée et délivrée du rapport professoral, la parole de ces jeunes est salutaire.

On prend un plaisir fou à les écouter exprimer leurs visions du monde sous le flot de questions posées par le réalisateur sur le ton souriant de celui qui oriente la conversation tout en laissant une vraie liberté. L’épilogue, ajouté en décembre, et consacré aux images choquantes des étudiants alignés à genoux à Mantes-la-Jolie, est salutaire dans ce qu’il dit de la capacité d’indignation de cette génération. Voilà une classe qui pense, qui réfléchit et un documentaire malin, signifiant et ludique qui tire sa grande force de la simplicité de son procédé. Réjouissant.

 

Franck Finance-Madureira
French Mania
11 février 2019